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Le retour des conflits sociaux

baroux-1 [1]On avait un peu oublié les conflits sociaux dans le transport aérien français, mais voilà que tout repart selon des scénarios parfaitement huilés.

D’abord les contrôleurs aériens, européens cette fois, manifestent contre le projet de ciel unique européen.

Leur argument, toujours le même, il faut hélas le rappeler, consiste à dire que toute modification du système actuel constituera un facteur de risque supplémentaire. En clair : « attention, si vous bougez, vous aurez des accidents d’avion ».

Or, de quoi s’agit-il ? Il s’agit de transformer la gestion de l’espace aérien européen atomisé en 43 différents centres de contrôle et grosso modo une organisation différente par pays en un ensemble plus harmonieux où le nombre de centres de contrôle serait ramené largement au-dessous de 20.

Dans le même temps, les routes aériennes européennes seraient redessinées et le gain de temps de vol est estimé à 8 %. Lorsque l’on sait qu’il manque 5 % de recettes au transport aérien européen pour retrouver le chemin de la prospérité, on voit bien tout l’intérêt d’une telle mesure.

Mais cela n’intéresse surtout pas les contrôleurs. En fait ils ne souhaitent qu’une chose : préserver leurs privilèges acquis de haute lutte à force de conflits sociaux.
Mais, cela, ils ne le diront pas, préférant agiter la peur comme argument suprême.

C’est assez faire fi des énormes avancées technologiques. C’est un combat d’arrière-garde. Il ne pourra pas empêcher l’inéluctable évolution vers la simplification, mais il la retardera certainement et surtout pas pour le profit des compagnies aériennes et des passagers.

Dans le même état d’esprit, on voit resurgir les menaces d’arrêt de travail des pilotes français cette fois. Ces derniers ne supportent pas les effets de la loi Diard qui les oblige à se déclarer grévistes au moins 48 heures avant leur retrait du travail.

Le raisonnement est simple : « 48 heures de préavis permet aux compagnies aériennes de remplacer les pilotes grévistes ». Cela est bien vrai est cela est très bien. Finalement le droit de grève est reconnu par la Constitution et il n’y a aucune raison de le mettre en cause.

Mais le droit de nuisance ne l’est pas. Or pour les pilotes, comme d’ailleurs les contrôleurs, où est l’intérêt de faire grève si celle-ci ne cause pas d’inconvénients aux usagers ?

C’est bien là que cela ne va plus du tout. La loi Diard a justement été votée pour permettre de diminuer les annulations intempestives de vols. Elle a été rendue nécessaire par les abus dans l’exercice du droit de grève avec les arrêts sauvages que l’on a connu par le passé.

Mais cela ne peut pas satisfaire une corporation qui a finalement décidé de s’approprier le transport aérien de manière à en faire une activité à son profit. Le monde a changé et la libéralisation des échanges, des biens et des personnes est devenue une réalité, particulièrement en Europe.

Les protections passées sont terminées.

Alors où bien les pilotes comme les contrôleurs prennent cette vérité en compte où ils entraînent leur secteur d’activité à leur perte.

Les compagnies aériennes sont plus fragiles que les centres de contrôle aérien. Elles sont les premières impactées en cas de conflits sociaux. L’effet est d’autant plus désastreux que les transporteurs français ne sont pas les seuls à opérer sur le marché. La concurrence est déjà suffisamment active pour ne pas aller la nourrir.

Si les pilotes maintiennent leur préavis de grève pour l’ensemble du mois de mai, même s’ils ne cessent pas leur travail pendant tout cette période, que va-t-il se produire ?
Il ne faut pas être grand devin pour imaginer que les clients ne voudront surtout pas courir le risque d’une annulation de vol et que par conséquent ils planifieront leurs déplacements sur les transporteurs non nationaux.

Est-ce cela que veulent les pilotes ? Ne sont-ils pas les principaux bénéficiaires de ce secteur d’activité ? Certes le transport aérien poursuivra sa croissance, grève ou pas, mais est-ce bien le moment de fragiliser encore les compagnies françaises dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne se portent pas très bien ? Si elles disparaissent, les pilotes devront aller exercer leurs talents auprès de transporteurs asiatiques, africains, voire même irlandais ou anglais.

Est-ce vraiment ce qu’ils veulent ?

Le temps des privilèges est fini. Plus vite les catégories de salariés largement bénéficiaires par le passé le comprendront et mieux cela vaudra pour tout le monde… et d’abord pour eux.

Jean-Louis BAROUX